« C’est comme ça qu’on voit si on se plaît avec une personne, quand on peut se taire tout à fait, au moins une minute et profiter du silence. »

Avec Effie, tout était facile. Je pouvais être moi, tout simplement. Parce que je savais qu’elle comprenait, qu’elle comprenait ma douleur, cette haine viscérale qui s’infiltrait dans chaque veine, chaque vaisseau sanguin de mon être. Je les détestais tous, d’avoir laissé ce massacre avoir lieu, de l’avoir laissé partir, de l’avoir perdue. C’était ma mère, ma mère et aujourd’hui elle est partie. Elle avait tout donné pour nous, tout et on nous a tout repris d’un coup lorsque son cœur s’est arrêté. C’était un jour de juillet comme un autre, où tout avait bien commencé. Une journée ensoleillée que nous avions prévue de passer à la plage. En effet, nous passions nos vacances en Espagne cet été là, pour sortir du climat peu avenant de l’Angleterre. J’avais dix ans. Elle était partie chercher le pain et n’est jamais revenue. Attentat d’après les autorités. Saleté d’attentats qui ont fait un mort et quarante blessés. Un seul mort, un seul. Il y avait quoi, genre une chance sur quarante millions pour que ça arrive mais c’est arrivé. Nous n’avons même pas eu le temps de lui dire au revoir, de lui faire part de nos sentiments énormes, de pouvoir lui murmurer une dernière fois qu’on l’aime dans une étreinte chaleureuse. Rien, juste, le vide. Lorsque nous l’avons appris, c’est étonnement mon père qui s’est effondré en premier. Puis ma sœur. Je n’arrivais pas encore à réaliser ce que cela voulait dire, et il fallait bien qu’il y ai quelqu’un qui reste fort. Alors j’ai tout refoulé, j’ai laissé mes sentiments de côté, mon ressentiment de même et j’ai tout assuré. J’ai organisé les obsèques, j’ai aidé à l’intendance de la maison du haut de mes dix ans. Je voulais juste éviter à mon père de souffrir plus, nous savions tous que c’était pour lui le plus difficile. Perdre son seul amour alors qu’il est père de deux petites jumelles brunes. Mais dès mon onzième anniversaire, j’ai reçu la lettre de Poudlard. Est-ce que je m’y attendais ? Non. Est-ce que j’y croyais ? Non plus. Ce que je ne comprenais pas, c’était pourquoi moi ? Pourquoi m’avait-on choisi moi et pas Effie ? A cause de ce que j’avais fait pour elle ? De la force dont j’avais fait preuve ? Je ne savais pas, je ne savais plus rien. J’étais complètement perdue. La magie était pour moi une histoire de contes de fée, je n’y croyais absolument pas et pourtant. J’ai découvert un monde étonnant, et pourtant merveilleux. Je suis fière d’être ici, même si j’ai un pincement au cœur en pensant à ma sœur qui reste à Londres toute l’année. Elle ne m’en a jamais voulu, au contraire, elle était fière de moi. Je suis sure que ma mère aurait été fière de moi. En découvrant la magie, je dois bien avouer que j’ai eu un petit espoir, elle aurait pu rester ici, laisser une trace sur terre en restant fantôme pour l’éternité mais j’ai bien compris que tout cela n’était pas aussi simple. Toujours est-il que ma vie était plus belle avant, lorsque ma mère était encore en vie. Elle me manque parfois, tout le temps même.